Une réponse aux enjeux agricoles ?
L’agriculture française est confrontée à de nombreux défis. Afin de préserver la souveraineté alimentaire du pays, elle doit maintenir sa compétitivité tout en réduisant son impact sur l’environnement : empreinte carbone, ressources en eau, vie des sols, biodiversité… Et ce, dans un contexte géopolitique complexe, avec une forte volatilité des prix des matières premières.
D’autre part, elle doit s’adapter à des changements climatiques rapides qui lui imposent des aléas climatiques de plus en plus fréquents. Le 6ème rapport du GIEC projette au niveau mondial une augmentation de 2,4 à 3,5°C d’ici la fin de notre siècle (par rapport à l’ère pré-industrielle). Les journées de grosse chaleur continueront de se multiplier, ainsi que les phénomènes climatiques violents. De même, la ressource en eau est au cœur des préoccupations y compris en France. L’agriculture, qui est l’activité la plus consommatrice d’eau en France avec 58% de la consommation totale, cherche constamment à améliorer l’efficience de son utilisation en eau.
Dans ce contexte, l’agriculture doit sans cesse évoluer et innover pour garantir sa durabilité et sa résilience. Parmi la variété de solutions technologiques existantes, l’agrivoltaïsme a aujourd’hui le vent en poupe pour allier production d’énergie renouvelable et protection des cultures contre les aléas climatiques.
L’agrivoltaïsme au service de l’agriculture
L’agrivoltaïsme consiste à installer des panneaux photovoltaïques sur une parcelle agricole. Le principe est de produire de l’énergie renouvelable tout en créant, maintenant ou développant durablement une production agricole. La démarche est encadrée par la loi APER : l’agriculture doit rester l’activité principale sur la parcelle, la production d’électricité n’étant que secondaire.
L’agrivoltaïsme vise donc à créer une véritable synergie entre l’agriculture et la production d’énergie. En effet, si les parcelles agricoles représentent un espace idéal pour récupérer l’énergie radiative du soleil, une installation est considérée comme « agrivoltaïque » si (et seulement si) elle apporte un des services suivants à la production agricole :
- amélioration du potentiel et de l’impact agronomique,
- adaptation au changement climatique,
- protection contre les aléas,
- amélioration du bien-être animal.
Les panneaux peuvent ainsi contribuer à protéger les cultures contre des conditions climatiques extrêmes tout en générant de l’électricité généralement revendue au réseau.
Limiter le stress thermique
Les panneaux photovoltaïques créent un microclimat sur les parcelles, qui limite les variations extrêmes de température. Cette dernière diminue au niveau du sol et à hauteur des plantes lors de fortes chaleurs, tandis qu’elle augmente légèrement en période de grand froid et de gel. C'est un atout pour protéger les cultures du stress thermique et favoriser leur développement.
Réduire le stress hydrique
L’ombrage généré par les panneaux maintient aussi une meilleure hygrométrie, limite l’évaporation de l’eau des sols et diminue donc le stress hydrique des cultures. Pour les cultures irriguées, des économies en eau deviennent possibles.
Cet ombrage réduit l’exposition directe du sol aux rayonnements solaires, ce qui diminue l’évaporation de l’eau et conserve l’humidité dans le sol. Ainsi, les besoins en irrigation sont réduits. Un avantage non négligeable face aux dérèglements climatiques qui imposent de plus en plus d’étés chauds et secs à nos régions. Par ailleurs, l’ombrage limite l’impact asséchant du vent sur les sols, qui peut aggraver les pertes d’eau.
En adaptant leur positionnement aux conditions climatiques et aux besoins des plantes, les panneaux dynamiques offrent un ombrage tournant et partiel plus efficace pour la protection des cultures.
Diversifier les revenus des agriculteurs
Renforcer l’attractivité du métier est l’un des grands enjeux du secteur agricole qui voit son nombre d’agriculteurs et agricultrices diminuer d’année en année. La diversification des revenus offre une clé supplémentaire pour pérenniser les exploitations. Il existe une variété de modèles. Il est important de comparer pour faire son choix en toute connaissance de cause.
Par exemple, certains développeurs proposent une rémunération annuelle fixe et une part variable indexée sur le chiffre d’affaires de la centrale agrivoltaïque. C’est le cas de TSE, qui propose des contrats d’exploitation, incluant un loyer, sur 40 à 50 ans. Il existe aussi des projets de centrale financés par l’agriculteur.
En tous les cas, une règle prévaut : pour que le projet puisse être qualifié d’agrivoltaïque, il faut éviter qu’il porte atteinte au bail rural ou à l’activité agricole.
Participer à la transition énergétique
Pour rappel, l'agriculture émet environ 21 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) et produit de manière directe ou indirecte 20 % de la production totale d'énergie renouvelable du pays : biomasse, énergie solaire, éolien et biogaz (source ADEME). Le secteur agricole a donc un rôle important à jouer dans la transition énergétique.
Des systèmes photovoltaïques adaptés aux projets agricoles
Un projet agrivoltaïque doit prendre en compte les contraintes et les besoins spécifiques des agriculteurs. Il existe donc une diversité de solutions, fixes ou dynamiques, avec différentes hauteurs d’ombrières pour s’adapter à tout type de projet : élevage (avec des zones ombragées pour le confort des animaux), grandes cultures, viticulture, arboriculture…
Les ombrières solaires fixes
Plus économiques et simples à mettre en place que les systèmes dynamiques, ces ombrières sont inclinées selon une orientation fixe qui maximise la production d’énergie solaire sur l’année (généralement vers le sud, pour l’hémisphère nord). Toutefois, ces panneaux fournissent un ombrage constant dans une zone donnée. Ils ne sont donc pas adaptés à toutes les cultures. Ils conviennent mieux à la croissance de plantes sensibles aux excès de lumière et de chaleur (ex : salade ou radis, framboises ou myrtilles, plantes aromatiques comme le basilic, etc.).
L’inclinaison de ces panneaux étant fixe, la pluie s’infiltre toujours au même endroit et entraîne une érosion du sol. Par ailleurs, le passage des engins agricoles peut s’avérer plus difficile avec ce système.
Les ombrières solaires dynamiques
Installés sur les parcelles agricoles, les panneaux dynamiques de type trackers suivent la course du soleil d’est en ouest pour maximiser le rendement énergétique. L’ombre tourne alors sur la parcelle. Certains développeurs proposent un pilotage agroclimatique qui favorise la plante à certains stades clés de son développement.
Les modules solaires peuvent aussi être inclinés pour favoriser le passage des engins agricoles ou permettre aux plantes de profiter de la pluie.
Les trackers tournesols
Dans le registre des ombrières dynamiques, les trackers solaires ou "tournesols" orientent automatiquement les panneaux selon la trajectoire du soleil. En fonction du moment de la journée et de l’année, ils s’adaptent selon les axes est-ouest et nord-sud. Ces technologies sont plutôt utilisées en élevage et peu adaptées aux grandes cultures. En effet, le passage des engins agricoles est limité autour des structures. Par ailleurs, leurs fondations en béton questionnent la réversibilité du projet en fin d’exploitation. Aujourd’hui, peu de projets se développent et les références manquent.
Les ombrières installées en hauteur
En agriculture, les structures dotées de panneaux solaires en hauteur tendent à se développer. En effet, elles facilitent le passage des tracteurs et du matériel agricole, optimisant la surface cultivée. Par exemple, TSE a développé un système innovant : la canopée agricole. Ce système de panneaux rotatifs avec une faible emprise au sol, disposés à 5 m de hauteur et 27 m de largeur, est particulièrement adapté aux grandes cultures. Equipés de trackers, les panneaux s’inclinent automatiquement en suivant la trajectoire du soleil. Le concept a aussi été pensé pour être réversible, afin de ne pas devenir un frein en cas de transmission des exploitations ou de changement de pratiques.
Certains modèles d’ombrières, fixes ou dynamiques, peuvent être réglés à une hauteur adaptée à la viticulture, et même à l’arboriculture. En viticulture, les ombrières solaires contribuent à réguler l’ensoleillement et la température autour des vignes. Un atout pour limiter les risques de stress hydrique ! En arboriculture, les panneaux protègent les arbres contre la grêle afin de limiter la perte de rendement et de valeur marchande des fruits.
En pisciculture, des ombrières solaires protègent les poissons du stress thermique et limitent les variations de la température de l’eau en cas de grosse chaleur.
Les panneaux solaires bifaciaux verticaux
Implantés sur un axe nord-sud, les panneaux solaires bifaciaux verticaux captent les rayons du soleil de façon optimale en début et fin de journée, lors des pics de consommation d’électricité. Ces panneaux produisent également de l’énergie à partir de leurs deux faces, ce qui offre une meilleure efficacité énergétique.
À l’échelle d’une exploitation agricole, l’intérêt de ce système est de limiter la perte de SAU (surface agricole utile) grâce à leur faible emprise au sol et à leur position verticale qui facilite le passage des engins. En revanche, l’ombrage peut être très hétérogène au sein d’une même parcelle, avec certaines zones longuement ombragées et d’autres très peu.
Grâce à un espacement inter-rang sur mesure, le matériel agricole peut circuler sans difficultés.
Pour conclure
L’agrivoltaïsme ne consiste pas seulement à associer agriculture et production d’énergie ; il s’agit aussi de renforcer mutuellement ces deux activités pour garantir une agriculture durable, résiliente, et économiquement viable tout en participant à la transition énergétique.
Bien que des défis techniques et réglementaires subsistent, les différentes solutions agrivoltaïques offrent déjà un panel de choix adapté à une diversité de projets agricoles.