Le cadre réglementaire de l'agrivoltaïsme pour préserver l’agriculture française
La loi française n°2023-175 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (loi APER) a été adoptée en mars 2023. Elle vise à encadrer l’agrivoltaïsme pour concilier production agricole et énergétique, tout en préservant les terres arables et « en s’assurant de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles. »
Une définition officielle de l’agrivoltaïsme depuis 2023
Ce cadre réglementaire permet tout d’abord de définir officiellement l’agrivoltaïsme. L’article L. 314-36 du Code de l’Énergie, amendé par la loi APER, définit une installation agrivoltaïque comme un dispositif de production d’électricité utilisant l'énergie solaire et dont les modules sont implantés sur une parcelle agricole. Cette installation doit obligatoirement contribuer au maintien, au développement ou à l’amélioration durables de la production agricole.
Elle doit également fournir au moins l’un des services suivants :
· L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques,
· L’adaptation au changement climatique,
· La protection contre les aléas,
· L’amélioration du bien-être animal.
En clair : une installation qui porte atteinte significativement à l’un de ces services, ou qui porte atteinte de manière limitée à deux de ces services, ne peut pas être qualifiée d'agrivoltaïque.
Un cadre réglementaire renforcé en 2024
Prévu par la loi APER, le décret publié en avril 2024 fixe un cadre pour le développement de l’agrivoltaïsme. Des règles ont également été élaborées pour prévenir ou sanctionner les manquements réglementaires.
Les principales exigences du décret pour cadrer l’agrivoltaïsme sont :
· Taux de couverture des sols par les panneaux solaires limité à 40%. Seules exceptions : les petits projets expérimentaux pourront dépasser ces 40% de taux de couverture, avec l’accord de la Commission départementale de préservation des espaces naturels et forestiers (CDPENAF).
· Perte de surface agricole exploitable inférieure à 10%.
· Rendements agricoles moyens maintenus à 90% ou plus par rapport aux références locales ou à la zone témoin.
· Revenus agricoles moyens de l’exploitation maintenus ou améliorés (sans prendre en compte le revenu de l’activité agrivoltaïque).
Le décret d’avril 2024 est le fruit du travail mené conjointement par l’administration, les syndicats dont France Agrivoltaïsme, les porteurs de projets comme l’entreprise TSE, ainsi que les organisations professionnelles agricoles. Ensemble, ils ont défini des règles capables de protéger l’agriculture, afin de prioriser la production alimentaire, tout en soutenant la production d’énergie renouvelable dans le cadre de la loi Aper.
Protéger l’agrivoltaïsme en contrôlant les installations
L’arrêté du 5 juillet 2024 complète ce décret en précisant davantage les modalités de suivi et de contrôle des installations, notamment en élevage. Par exemple, en élevage de ruminants, les objectifs de rendement sont contrôlés grâce à deux indicateurs : la production de biomasse fourragère et le taux de chargement.
Les projets agrivoltaïques seront évalués de la conception des installations à la préservation des rendements agricoles. La grille d’évaluation doit en effet garantir que seuls les projets apportant un service réel à l’agriculture ne soient retenus.
Plusieurs phases de contrôle sont prévues :
· Un premier contrôle avant la mise en service de l’installation agrivoltaïque,
· Un contrôle de suivi lors de la 6èmeannée d’exploitation,
· Puis des contrôles tous les 3 ans, voire tous les 5 ans pour les technologies « éprouvées ».
Lorsque la compatibilité entre un type de culture, un type de sol et une technologie sera démontrée, le déploiement de cette technologie « éprouvée » sera facilité. Les contrôles seront plus espacés (5 ans) et ne nécessiteront pas de zone témoin pour comparaison. Ces technologies, jugées éprouvées, seront définies par arrêté ministériel sur la base des éléments fournis par l’ADEME (Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie).
Attention : en cas de non-conformité, la résiliation des contrats de rachat de l’électricité ou le démantèlement de l’installation peuvent être appliqués.
L’exception des terres non cultivées
Le cadre est maintenant posé : les terres agricoles ne peuvent recevoir que des projets dits « agrivoltaïques », tels que définis par l’article 314-36 de la loi n° 2023-175 relative à l’Aper.
En revanche, les terres réputées incultes ou inexploitées depuis plus de 10 ans peuvent accueillir des projets de panneaux photovoltaïques au sol, sans coactivité. Ces projets ne sont donc pas définis comme « agrivoltaïques ».
Ces parcelles improductives seront identifiées et répertoriées par les Chambres d’agriculture courant 2025. Elles seront l’exception à l’agrivoltaïsme, qui doit continuer de représenter la norme.
Limiter les risques de spéculation sur le foncier agricole
Une parcelle agricole pourrait-elle valoir davantage grâce à la production d’énergie plutôt qu’à son usage agricole ? Cette question soulève des inquiétudes : spéculation foncière, rétention des terres et obstacles à leur transmission, ou encore abandon des cultures au profit de revenus plus élevés issus de l’énergie photovoltaïque.
Pour éviter ces situations, la législation prévoit des règles strictes pour les porteurs de projet agrivoltaïque :
· Ne pas casser pas le bail rural,
· Apporter des garanties pour le maintien de l’activité agricole,
· Intégrer le processus de reprise-transmission, les projets étant prévus pour 30 à 40 ans,
· Partager la valeur entre le propriétaire et l’exploitant. L’association de l’exploitant aux revenus du projet est en effet une condition d’éligibilité aux appels d’offres de la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie).
Un label Afnor pour la filière agrivoltaïque
Afin de mieux encadrer les projets, le réseau France Agrivoltaïsme* a mis en place une labellisation par l’Afnor, fin 2021. Ce label, nommé « Projet agrivoltaïque de Classe A sur culture », valorise les projets améliorant la durabilité des parcelles et des exploitations agricoles.
Pour conclure…
Le cadre réglementaire instauré depuis 2023 ancre l’agrivoltaïsme dans une approche d’agriculture durable et de transition énergétique. En effet, grâce à sa définition précise et à ses modalités de contrôle, l’agrivoltaïsme garantit la vocation alimentaire des terres arables afin de préserver la souveraineté alimentaire de la France. Et ce, en favorisant le développement des énergies renouvelables. Encore assez récents, les systèmes agrivoltaïques bénéficieront sans doute des avancées technologiques pour renforcer davantage l’équilibre entre production agricole et énergétique. À suivre !
* Le réseau France Agrivoltaïsme rassemble les Chambres d’agriculture et des entreprises du secteur, comme TSE. Mathieu Debonnet, Président de l’entreprise TSE, a par ailleurs été élu Vice-Président pour les membres du secteur des solutions technologiques dédiées à l’agrivoltaïsme.